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Lettres du Mékong

Littérature francophone indochinoise

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Fleur de lotus

Auteur : Charles BELLAN

Edition originale : Paris : Éditions du Monde nouveau, 1924

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Critiques

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Les Éditions du Monde nouveau nous donnent là un beau volume, fort bien présenté, imprimé en deux couleurs, avec un hors-texte, des ornements de style khmer, des lettres, ornées, etc. M. Bellan, administrateur des Services civils de l’Indochine, a passé de longues années au Cambodge et c’est à S. M. Sisowath, roi du Cambodge, qu’il fait hommage de son volume. Le sujet traité par M. Bellan, est un récit épique dont l’action se passe au temps de la splendeur d’Angkor. Le fils du roi d’Angkor cherche une princesse à qui unir sa vie et il ne la trouve que très loin, après des journées de marche, en la personne de la fille d’un grand roi, Fleur de Lotus. Il s’unit à elle secrètement, puis, la jeune fille étant sur le point d’être mère, ils fuient tous deux le courroux des parents et Fleur de Lotus met au jour un fils dans une immense forêt. Mais son mari s’éloigne d’elle et ne peut la retrouver et Fleur de Lotus elle-même en cherchant des secours perd son fils qui est enlevé par un roi sans postérité. Fleur de Lotus passe dès lors sa vie dans une pauvre case de la ville où règne ce roi qui a adopté son fils. Au bout de seize années seulement, elle peut se faire reconnaître de lui et retrouver en même temps son époux, après quoi ils règnent heureux sur Angkor. Cette épopée n’était pas très facile à traiter et nous devons féliciter M. Bellan de s’en être bien tiré sans nous ennuyer ; à peine pourrait-on lui reprocher des lamentations trop prolongées et des objurgations sans fin. Dans une courte préface, M. Paul Brulat rappelle Salammbô. C’est écraser M. Bellan que de vouloir le comparer à Flaubert et c’est un vilain tour que nous ne lui jouerons pas. Nous préférons lui signaler quelques imperfections : page 173 : le retour bredouille des limiers du roi ; page 181 : ablutionner ; page 259, à quelques lignes de distance, un « esseulement » et « d’arachnéennes soieries » qui exhalent un parfum de Symbolisme décadent qui fait tache dans une épopée traitée d’une façon classique ; page 247 : obnubilation, etc. Mais nous nous hâtons de dire qu’il y a aussi de très belles descriptions, par exemple : page 260 : « De cette diverse et vivante beauté il ne restait plus au ciel que cette teinte uniforme et fanée des crépuscules finis, rappelant la nuance mélancolique et sans nom des vieilles étoffes qui ont trop servi. » C’est peut-être un peu laborieux et trop lourd d’épithètes, mais c’est agréable tout de même ; signalons encore, pages 306 et 307, un autre coucher de soleil bien vu et bien décrit. Mais c’est surtout par le côté documentaire que ce roman restera ; il nous paraît d’ailleurs n’être que le prétexte de longues descriptions de leçons sur la flore et la faune du Cambodge, d’aperçus très intéressants sur les coutumes du pays. Nous recommandons particulièrement la description d’Angkor qui se trouve au début du livre. En résumé, c’est là l’ouvrage d’un homme de talent qui connaît bien le Cambodge et qui s’est vivement intéressé à tout ce qui y touche.

 

La Revue du Pacifique

 

 

Je ne voudrais pas chagriner M. Charles Bellan, qui fut, pendant vingt-cinq ans, au Cambodge, le plus distingué et le plus lettré des résidents généraux de France. Son roman, Fleur de lotus, se présente fort élégamment, orné de vignettes, de culs-de-lampe, de lettrines tirées en rouge. Cependant, Amicus Plato sed magis arnica veritas. Et la vérité m’oblige à dire d’abord que ce livre est ennuyeux. Ensuite, que le récit et le ton en sont invraisemblables. Sans doute, M. Bellan se réclamera de sa grande connaissance des lieux. Je persiste à ne pas croire naturelle, dans la bouche d’un de ces louches et malsains extrêmes-orientaux, fût-il né il y a mille ans et relevât-il de l’empire khmer, une certaine délicatesse digne du Cantique des cantiques et des Mille et une nuits. D’ailleurs, en dépit de toute cette délicatesse et de tous ces raffinements, l’ouvrage est malsain, parce qu’on y respire le mauvais parfum d’une volupté recherchée en soi comme l’unique but de la vie. Mais, voulez-vous la petite histoire qui se passa il y a plus de mille ans, aux plus glorieux jours de l’empire khmer ? Je ne la raconterai pas. Elle sert surtout de prétexte à d’heureuses descriptions de paysages cambodgiens. Or, il pèse, sur ces paysages, une si lourde atmosphère de mauvaise volupté !…

 

Romans-revue : guide de lectures, n°6, 15 juin 1924

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